Mot de bienvenue
Bonjour et bienvenue à chacun et à chacune !
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour fêter les 20 ans de la bibliothèque, soit comme lecteur/trice, comme animateur/trice d’ateliers de formation ou de conférence, comme amis de la bibliothèque, ou membres du Réseau Mikanda.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas toute l’équipe de la bibliothèque, nous allons nous présenter rapidement : les 6 personnes de l’équipe ; les 10 volontaires des bibliothèques enfantines.
Comment et pourquoi la bibliothèque a-t-elle vu le jour ?
En 1999, Anna de Eguia, membre de l’Institution Thérésienne, venait d’arriver à Kinshasa pour donner cours à l’ISP. Nous étions encore dans la décennie des pillages de 1991 et 93 qui avaient détruit pas mal d’infrastructures. Anna s’est vite rendu compte du peu de bibliothèques qui existaient alors dans la ville et elle a décidé d’ouvrir une bibliothèque pour des étudiants.
C’est bien sûr le contexte qui l’a poussée à ouvrir la bibliothèque, mais elle trouvait aussi son inspiration dans la mission de l’Institution Thérésienne, association internationale de laïcs fondée en Espagne par Pedro Poveda.
Aujourd’hui nous sommes confrontés à un modèle de société qui est contesté de toutes parts. A l’époque de Poveda, cette contestation prenait la forme d’une lutte entre foi et science, entre foi et culture, les tenants de chaque parti voulant garder les rennes en main. Pour les uns, l’avenir du pays se trouvait dans l’ouverture aux nouveaux courants de pensée, aux progrès scientifiques et pédagogiques. Pour les autres, seule la fidélité à l’Espagne de toujours, c’est-à-dire à sa tradition catholique était chemin de salut. Les catholiques étaient considérés par les autres comme des groupes qui s’opposaient au changement, au progrès.
La nouveauté du projet de Pedro Poveda consiste à envisager foi et culture, foi et science, non pas en rupture, mais en continuité. Pour réaliser son projet, il veut préparer des éducateurs, des éducatrices très bien formés, chez qui la science, la connaissance ne sont pas en opposition avec leur foi, mais chez qui science et connaissance font dialoguer la foi avec les grandes questions du monde.
Pour y arriver, il faut étudier, lire, et ne jamais s’arrêter d’apprendre ; les études ne sont qu’une première étape, la formation doit être permanente.
S’adressant en 1930 à des étudiantes, Pedro Poveda leur écrit :
« Soyons avides de connaissance, de livres, de maîtres, de bibliothèques, de recherches en tout genre, de tout ce qui est signe de culture… Je vous demande d’aimer la science, mais la véritable et non la fausse, pas les sophismes, ni les erreurs, ni les produits frelatés…. Tout comme nous demandons à l’Eglise qu’elle fasse preuve des dons de l’Eglise véritable, nous demandons aux maîtres et aux livres d’avoir cette qualité qui leur feront gagner notre confiance. Nous ne devons pas croire en n’importe quel maître qui enseigne la science ni en n’importe quel livre qui la divulgue… car les mauvais maîtres et les mauvais livres abondent, tout comme les fausses religions ».
Si Pedro Poveda insiste tellement sur l’importance de l’étude, ce n’est pas pour que nous obtenions à tout prix des postes importants, ni pour un enrichissement personnel ; c’est parce qu’il considère que sans une bonne préparation professionnelle, à quelque niveau que ce soit, sans le sérieux au travail, le progrès, le développement, le bonheur ne sont pas possibles.
Et si nous avons la chance de profiter des bienfaits d’une bonne formation, il nous invite à partager nos connaissances avec tous.
Pedro Poveda veut lutter contre l’ignorance, contre l’obscurantisme. En 1930 il écrit: « A force d’entendre des mensonges et parce que nous vivons à une époque de confusion d’idées et de faussetés en tout genre, nous ne réagissons pas assez… ». L’ignorance nous laisse démunis devant beaucoup de phénomènes naturels, que ce soit dans le domaine de la santé, dans la nature (la foudre, par exemple). A ces phénomènes, par ignorance, on donne des explications en recourant aux esprits, bons ou mauvais, ou en accusant les autres. L’étude, la science, peuvent libérer de la peur et contribuer au bien-être, à l’épanouissement des personnes.
Je pense que si Pedro Poveda était venu à Kinshasa, il aurait volontiers donné à ses élèves comme titre de dissertation la citation bien connue de Rabelais :
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Bernadette Moreau